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Naline Dupuis-Desrochers

Naline a grandi sur la ferme apicole, elle ne se souvient pas d’un moment où il n’y aurait pas eu de ruches dans la cour. Le soir, quand elle rentrait de l’école avec son grand frère Anicet, sa mère venait les accueillir et préparait le souper en faisant quelques allers-retours vers l’hydromellerie.

Je voyais qu’ils travaillaient beaucoup, puis longtemps. Mes parents ont toujours été très présents avec nous, il y avait beaucoup de discussions. On n’a jamais voyagé quand on était jeune mon frère et moi. L’été c’était la saison apicole, mes parents n’avaient pas de temps. Mais ils avaient tout le temps de l’énergie à nous consacrer par exemple. Ils ne nous ont jamais vraiment sollicités pour travailler avec eux. C’est pour ça qu’on est revenu, je crois, parce que si on avait trouvé ça trop lourd, on aurait couru à grandes enjambées pour s’en aller le plus loin possible.

Naline Dupuis-Desrochers

Naline a depuis toujours les sens aiguisés, elle décrit avec précision les odeurs qui ont bercé son enfance. Elle aime particulièrement celles de l’apiculture et du miel, mais à l’époque, ne sent pas pour autant l’appel de ce métier. Alors qu’elle est au Cégep en formation générale, Naline fait la rencontre de Anne Desjardins, cheffe propriétaire du regretté restaurant L’Eau à la Bouche à Sainte-Adèle dans les Laurentides, lors d’un événement auquel la ferme apicole de ses parents participe. Cette rencontre marquera également celle de tout un univers, celui de la restauration, qui fascine aussitôt la jeune femme qui cherche justement à tracer sa voie. Après une formation en service et quelques années de pratique à même cette grande table arborant cette rare reconnaissance au Québec, de «Relais et Château», Naline poursuit l’éveil de ses sens et entreprend une formation, en cuisine cette fois, à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) à Montréal.

Lorsqu’elle rentre au bercail après ses études, la cuisine ne semble pas avoir assouvi la soif d’apprendre de Naline. Elle fait alors un petit détour par Saint-Hyacinthe à l’Institut Technologie Agroalimentaire du Québec (ITAQ) afin de compléter une formation pour la transformation des boissons alcoolisées qui lui permettra de prêter main-forte à ses parents, le temps de retrouver son chemin. Une décision qui finalement ne pouvait tomber plus à point, car ce n’est que peu de temps après que la maladie s’invite chez Marie-Claude.

Ces deux années-là n’ont pas été faciles. Mon père et moi on s’occupait de ma mère le plus gros de notre temps et on faisait le petit peu qu’on avait besoin de faire à la ferme, se souvient Naline. Ma mère ne m’a pas vraiment enseigné sa méthode. Quand elle est tombée malade, elle n’avait plus envie de travailler. Ça n’a pas été évident d’essayer de comprendre ces suivis de fermentations à travers des demi-recettes, car elle se gardait de petites cachettes.

Naline Dupuis-Desrochers

C’est une Naline en peine d’amour et qui tente de porter à bout de bras une entreprise qui produit un alcool encore méconnu qui tombera aussitôt sous le charme d’un stagiaire apiculteur fraîchement tombé du ciel. Même si elle n’a jamais été fermée à l’idée d’accompagner Géraud en Europe, la vie semble en avoir décidé autrement pour les jeunes tourtereaux qui choisiront de reprendre les rênes de l’entreprise après le décès de Marie-Claude.